Voyageurs à la mort… Le conflit exacerbe les tragédies des Yéménites
Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir) – Yasmine Abdelhafeez
Les fléaux du conflit au Yémen ont contraint de nombreux Yéménites à être conduits à la mort de leur pleine volonté, surtout ces dernières années. La poursuite du conflit a contribué à la détérioration des conditions de vie de la population en général, qui est désormais confrontée à de nombreux problèmes, tels que la vie chère et le déplacement de milliers de personnes de leur emploi, en plus de la suspension des salaires des employés du secteur gouvernemental.
Un enseignant s’est suicidé à Ibb, dans le centre du pays ; il a été retrouvé pendu dans l’une des fermes de la région où il habite. Comme des milliers d’enseignants au Yémen, son salaire a été coupé et ils se sont retrouvés aux prises avec la faim et la misère.
Dans la même région, une autre personne s’est suicidée par auto-immolation après avoir eu des difficultés à fournir un tube à gaz à sa famille et est décédée quelques jours après l’accident. Alors qu’un autre jeune a été retrouvé pendu derrière sa maison dans une zone rurale à Taïz, préférant mourir après avoir été incapable d’aider sa famille et n’ayant pas pu avoir une opportunité d’emploi convenable.
Ces histoires et d’autres sont à l’origine de la détérioration de la situation financière à laquelle ces personnes ont été confrontées, incapables d’y résister. Ils se sont livrés à la mort au lieu de rester amers à la faim, à la maladie et à la misère dans un pays dont les organisations internationales disent que la pauvreté pourrait s’aggraver parmi son peuple avec la poursuite du conflit.
La situation économique exacerbe le phénomène
Nabil Al-Sharabi, chercheur en économie et journaliste, explique qu’à la lumière de la détérioration de la situation économique au Yémen pendant les années de conflit, un certain nombre de Yéménites n’ont pas pu faire face à l’aggravation de la situation. Toutes voies fermées devant eux, certains d’entre eux ont décidé de mettre fin à leurs souffrances en recourant au suicide.
Il ajoute : « En comparant les causes des suicides pendant les années de conflit et avant, il devient clair que la situation économique a été le principal facteur dans un grand pourcentage de ceux qui se sont suicidés pendant le conflit, par rapport à avant ; où la toxicomanie, les crimes d’honneur et la maladie psychologique étaient parmi les causes les plus importantes. La situation économique était le facteur le moins déterminant du suicide au cours de cette période-là ».
Il continue : « De plus, pendant les années de conflit, l’affaire a pris une autre tournure ; car de nombreux cas ont été enregistrés dans lesquels le chef de famille tue ses enfants puis se suicide à cause de l’incapacité à subvenir à ses besoins et de peur de humiliations. Cette situation est le résultat du conflit et de la détérioration concomitante de la situation économique de la majorité des Yéménites, conduisant à un état d’invalidité et de privation, avec lequel il est devenu difficile de subvenir à ses besoins ».
Outre la détérioration de la vie, le conflit au Yémen a provoqué de nombreux facteurs qui ont conduit de nombreuses personnes à se suicider ces dernières années ; tels que la perte d’emploi et la suspension de salaire, ainsi que la perte du soutien de famille, la perte de richesse ou de maison, et d’autres pertes économiques subies par de nombreux Yéménites qui vivent un conflit entrant dans sa neuvième année.
La perte de richesse et de maison
À cet égard, Wedad Al-Dhalei, une militante dans le domaine social, dit que la perte soudaine de choses met une personne en état de choc et entraîne des troubles, dont certains conduisent à la mélancolie. La personne sent qu’elle ne peut pas continuer à vivre après avoir perdu sa maison ou sa richesse, ce qui la pousse à se suicider.
Al-Dhalei estime que dans ces circonstances, les individus qui l’entourent peuvent l’aider à surmonter le choc, pas nécessairement financièrement, mais moralement et psychologiquement, avant qu’il ne tombe dans un état dépressif, qui conduit souvent au suicide. À l’inverse, si une personne reste seule et souffre sans l’intervention de ses proches, cela l’amènera à des pensées négatives.
Elle affirme : « Le motif le plus fort du suicide n’est pas la perte de richesse ou de maison, mais plutôt leur exposition à une dépression sévère, puis ils entrent dans un état dans lequel leur vision d’eux-mêmes change, car ils les considèrent comme inférieurs, et ils commencent à se comparer aux autres, jusqu’à ce qu’ils atteignent des pensées suicidaires négatives ».
Alors qu’Abdullah Al-Amir, un psychologue, pense que la perte d’une maison ou d’une richesse ne conduit pas nécessairement au suicide, mais qu’il peut y avoir de grandes accumulations et des facteurs interdépendants qui conduisent à y penser. Il arrive alors qu’une personne perde sa maison ou sa richesse, que cette perte est le dernier épisode des accumulations, ainsi la décision est prise de recourir au suicide.
La perte de soutien de famille
Eziya Al-Hashidi, une assistante sociale, dit : « La majorité des gens sont déçus en raison de la détérioration des conditions économiques, surtout chez les soutiens de famille nombreuse ; d’où vient l’idée de ‘’Comment vais-je subvenir aux besoins de ma famille ?’’. La personne entre dans des conflits psychologiques, comme le stress, la colère, l’anxiété, puis la dépression, ce qui la pousse à se retirer de son environnement familial et social, en décidant alors de se débarrasser de toutes ces conséquences en recourant à l’arrêt de la vie ». Elle affirme : « l’interprétation de cela est due à des raisons claires et directes dans la vie et l’environnement d’un individu, comme une perte financière, d’emploi ou un échec de carrière ».
Elle indique que de nombreux facteurs se combinent pour provoquer des changements dans les neurotransmetteurs et les produits chimiques dans le cerveau, ce qui conduit à une réponse à l’idée de suicide, avec la présence de facteurs provoquant la dépression qui précèdent la survenue du suicide, y compris une série d’événements et tragédies qui pèsent sur l’individu ; telles que la perte d’emploi, la détérioration financière, l’exposition à des problèmes et à des événements de la vie.
Al-Hashidi poursuit : « La pensée de la personne déprimée se change en pensée pessimiste, il se considère comme un échec dans l’exécution de toute tâche – même simple – comme avant. Il s’attend au pire, donc sa pensée est dominée par des questions sur la faisabilité et le sens de la vie, et il parvient à la conviction que la mort est mieux pour lui que cette tragédie en termes de son incapacité à assumer sa responsabilité envers sa famille ».
Alors que Wedad Al-Dhalei note qu’en cas de perte du soutien de famille, le reste des membres de la famille placent le fardeau sur la personne qu’ils jugent apte à assumer la responsabilité. Si elle ne peut pas le supporter et vit dans un état de pressions hors et sein du foyer, alors elle se sentira incapable de subvenir à toutes les exigences de la famille, et elle pourra recourir au suicide pour se débarrasser de toutes les pressions auxquelles elle est exposée, qui la perturbent et la tuent quotidiennement, et s’en sortir devient plus facile, surtout lorsqu’il n’y a pas de solidarité sociale.
Al-Dhalei confirme dans son discours que de nombreuses personnes se suicident dans notre pays après avoir perdu leur soutien de famille ; car elles sont confrontées à la vie sans sécurité ni assurance sociale et maladie, et car le Yémen n’offre pas de garanties, comme c’est le cas dans d’autres pays dont les institutions font pour fournir la sécurité, l’assurance et tout ce dont ont besoin les membres de la famille qui ont perdu leur soutien de famille.
La perte de salaire
À cet égard, Jemhor Al-Hamidi, professeur de psychologie – Université de Taïz, dit : « Les causes principales et secondaires du stress qui créent un groupe de troubles psychologiques diffèrent. Ces troubles diffèrent d’une personne à l’autre, d’une société à l’autre, et d’une cause à l’autre. L’aspect économique est l’un des aspects importants, qui affectent grandement la stabilité sociale et psychologique des individus ».
Al-Hamidi poursuit : « Lorsque l’individu perd la source par laquelle il s’est appuyé à soutenir les membres de sa famille et leurs besoins nécessaires, il ne fait aucun doute que cela se reflétera dans ses responsabilités et la dynamique de sa personnalité, de sorte que nombre de ses signes comportementaux changent ».
Al-Hamidi affirme que la suspension de salaire est l’une des principales catastrophes, bien qu’elle ne réponde pas aux besoins de l’employé ou du citoyen, mais au moins il y a un minimum d’épargnes possibles, et la capacité des gens à exercer un rôle social et à soutenir une famille ou un individu en soi.
Il ajoute : « Les troubles causées par la situation économique sont multiples, dont la plus importante est la dépression, qui à son tour a conduit à un sort très dangereux, qui est le destin sombre et la tentative du soutien de famille – ou même d’un membre de la famille – de se suicider. Ces dernières années, on a vu de nombreux parents, enfants et ceux qui n’ont pas pu subvenir aux besoins de leur famille ont été frustrés et déprimés et ont eu recours à l’isolement et à l’introversion, et ils ont atteint un stade plus grave qui a entraîné le suicide ».
Al-Hamidi estime que le manque de côté financier ou de revenu est l’une des motifs qui conduisent à de graves troubles psychologiques et à la présence de tels phénomènes dont on a entendu parler récemment, comme le suicide, la fuite ou le meurtre de membres de la famille.
Pour sa part, Ahlam Al-Hamdani, psychothérapie et formatrice spécialisée, indique qu’il y a de nombreuses raisons qui ont conduit au suicide, y compris la perte de sécurité ; lorsque la sécurité est l’une des bases des besoins humains dans la « Pyramide de Maslow », en plus de manger, de boire, d’abri et de sexe, et que si une personne la perd, elle entrera dans de mauvaises conditions psychologiques qui peuvent le conduire à commettre des crimes contre lui-même et cotre d’autres.
Elle poursuit : « Celui qui a perdu le salaire, il a perdu la source de manger, de boire et de santé, qui sont des besoins fondamentaux, dont leur perte mène à une dépression qui se change en suicide ».
Elle ajoute : « La personne, qui se suicide, a automatiquement des idées noires que sa vie dépend des salaires et des revenus. À partir de là, sa santé physique peut se détériorer et elle n’est pas en mesure d’avoir un traitement pour lui ou sa famille. De plus, l’absence de solutions alternatives avec une autre source de revenu, alors elle se ferme et commence à entrer dans une étape qui conduit à la mort délibérée ».
À l’appui de ce qui précède, la spécialiste, Ezya Al-Hashidi, estime que le sentiment de satisfaction et de réussite de l’individu est étroitement lié à ses réalisations dans divers aspects économiques, sociaux et psychologiques. Le succès dans l’emploi et le revenu est la première indication d’un consensus dans tous les aspects de sa vie.
Avec la situation actuelle, les conflits et la détérioration de la vie, de nombreuses personnes ont perdu leur emploi ou leurs salaires ont été coupés « ainsi, elles sont soumises aux pressions psychologiques, aux sentiments de culpabilité et d’impuissance devant les exigences de la vie pour la famille, les affectant et les conduisant à des réponses qu’elles peuvent ne pas ressentir comme la tension, la peur, l’anxiété et d’autres ».
Elle poursuit : « Les pressions psychologiques accumulées continues font que ces personnes tombent dans l’effondrement et répondent brusquement à la décision de se suicider. Cela s’explique par l’incapacité de porter le fardeau et la responsabilité qui leur incombent, le sentiment constant de désespoir et de culpabilité, et l’incapacité de créer d’autres alternatives pour subvenir à leurs besoins de base tels que manger et boire ».
Les symptômes conduisant au suicide
Majid Sultan Saeed, un universitaire de l’Université d’Aden, dit qu’il y a un certain nombre de signes d’alerte et de symptômes avant-coureurs manifestés par les personnes suicidantes, dont : des changements soudains de comportement, un changement dans le mode de sommeil ou le style de manger, la négligence dans l’étude ou le travail, la négligence des relations sociales et d’apparence extérieure, parlant du suicide et de la mort d’une manière étrange, en plus de perdre de l’intérêt dans les activités habituelles et d’en retirer.
Il poursuit : « Parmi les symptômes, il y a aussi la perte de plaisir dans les choses qui sont aimées par lui, parler de perte de soi, d’anxiété psychologique, de léthargie, de mélancolie, d’isolement et d’introverti, de haine pour la société, de se plaindre de maux de tête et de manque de concentration, de se débarrasser de précieux fonds personnels – c’est un indicateur important – et parfois de la drogue et de l’intoxique, en plus d’une ou plusieurs tentatives de suicide infructueuses ».
Selon Dr. Saeed, la présence de l’un de ces indicateurs mérite l’attention des autres – tels que les parents ou les proches parents – et que la présence d’un certain nombre d’entre eux indique clairement que la personne est en danger et qu’elle doit y remédier.
En conclusion, de toute évidence, des millions de Yéménites souffrent de la détérioration des conditions économiques, avec lesquelles la faim, la pauvreté et le besoin les assiègent de tous côtés ; ce qui a incité beaucoup d’entre eux à se suicider. Cela vient à la lumière du conflit au Yémen entrant dans des étapes avancées sans mettre de solutions sérieuses qui l’arrêtent, comme s’asseoir à la table de négocier et parler de l’arrêter ; les Yéménites vivent dans un état d’anticipation pour mettre en œuvre ce qui a été convenu. C’est la fin des combats qui a tué beaucoup d’entre eux, par la maladie, la faim, la mort, le déplacement, le déplacement et la peur.
85% des enquêtés pensent que la poursuite du conflit est la principale raison de la propagation du suicide au Yémen
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