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Les médias yéménites et la créativité littéraire : Un fossé à combler

Hebah Mohammed – Sawt Al-Amal (la Voix de l’Espoir) 

Dans le monde de la littérature et de la créativité, les médias jouent un rôle vital dans l’éclairage et l’attention portée au patrimoine littéraire yéménite, divers et riche. Ils éclairent le chemin vers les chefs-d’œuvre littéraires et mettent en avant les voix des écrivains et des auteurs qui racontent les histoires de la patrie à leur manière. À travers cette fenêtre médiatique, nous découvrons des aspects variés de la littérature yéménite, du patrimoine populaire aux créations modernes qui respirent l’esprit du temps, et nous explorons le rôle des médias yéménites pour mettre en lumière les œuvres littéraires.

À l’ombre des évolutions de l’ère moderne et de la rapidité des changements dans le paysage médiatique, la littérature yéménite semble avoir été éclipsée par le temps, loin des yeux du public et des projecteurs des médias. La marginalisation d’une littérature aux racines profondes et au riche patrimoine dans un pays qui célèbre la culture et la créativité soulève des questions sur le rôle des médias dans l’attention accordée à ce trésor littéraire négligé.

La disparition de la littérature yéménite en l’absence des médias

Concernant l’importance du rôle des médias pour les œuvres littéraires, Salman Al-Qubatli, journaliste, dit : « Les différents médias jouent un rôle important et influent sur la réalité de la littérature au Yémen ; ils renforcent le mouvement littéraire et permettent aux écrivains yéménites d’atteindre un public plus large. Ils contribuent également à la préservation, à la documentation et à la transmission du patrimoine littéraire yéménite aux générations futures, à travers les programmes et le contenu qu’ils proposent ».

Dr. Mohamed Messad, écrivain et critique littéraire, a dit : « La littérature éclaire davantage les chemins obscurs que les médias figés, car elle est plus profonde et plus capable de compréhension. Elle est une forme de communication différente, mais les moyens médiatiques qu’elle utilise sont ceux qui l’élèvent et la transmettent à son public. En revanche, les médias officiels sont totalement absents dans leurs programmes concernant la littérature yéménite, étant trop préoccupés par les situations politiques et autres. Il ne fait aucun doute que les réseaux sociaux ont ouvert une large porte aux écrivains, leur offrant une plateforme pour s’exprimer ».

Yahya Al-Hayti, écrivain et poète, a également confirmé que les médias n’ont pas fait leur devoir envers la littérature yéménite en la mettant en valeur sur les plans local et arabe. Il n’existe pas de programmes ou d’initiatives littéraires qui plongent dans les valeurs de la littérature yéménite, ni d’interviews ou d’invitations pour les écrivains et poètes sur les chaînes de télévision afin de présenter cet écrivain, cette écrivaine, ou ce poète. Cela aurait pu servir d’encouragement et de motivation pour les écrivains d’une part, et d’autre part, de faire connaître les écrivains yéménites et de diffuser ce que leur créativité produit.

Il souligne la nécessité pour les médias de mettre en lumière la littérature yéménite et de l’apprécier comme un volet de la culture yéménite et arabe. Le Yémen regorge d’écrivains, hommes et femmes, dans divers domaines de la poésie et de la prose, qui ont une présence dans les milieux littéraires.

Shawqi Noman, poète et président de la plateforme Risha, a souligné que les médias yéménites peinent à mettre suffisamment en avant les œuvres littéraires et les personnalités, ce qui entraîne un manque et une paralysie dans le paysage littéraire et culturel. Il déplore la marginalisation que subissent de nombreux écrivains et auteurs en raison de leur affiliation à des groupes ou des partis, et insiste sur la nécessité de renforcer les efforts pour créer des institutions professionnelles et compétentes qui œuvrent à promouvoir le rôle culturel et littéraire.

Concernant la manière dont les médias peuvent renforcer la sensibilisation à la littérature locale et mondiale parmi le public, M. Noman estime que, grâce aux institutions intéressées par les questions littéraires et culturelles et au soutien des écrivains et des maisons d’édition, les médias peuvent favoriser la prise de conscience sociale de la littérature. Cela inclut également la régulation professionnelle dans l’approbation des publications littéraires selon les normes reconnues dans la littérature locale et mondiale, ainsi que le renforcement des échanges culturels et littéraires avec d’autres pays, en plus de la nécessité de consacrer des revenus financiers pour aider les écrivains et les auteurs à continuer leur production intellectuelle et littéraire.

Il est clair qu’il y a un besoin urgent d’institutions littéraires et intellectuelles qui contribuent à revitaliser la réalité littéraire, artistique et culturelle, dans le but de promouvoir la vie à travers ses formes littéraires et artistiques magnifiques.

Les efforts des écrivains et le manque de soutien culturel

Fikrya Shehra, écrivaine, dit : « La vérité est qu’en dépit des efforts de nombreux journalistes et de leur adoption de programmes et d’interviews visant à présenter les écrivains et les auteurs, ce rôle, bien que louable, reste peu influent par rapport à ce que fait les médias arabes en dehors du Yémen ».

Elle a précisé : « Par exemple, il y a des chaînes culturelles qui consacrent tous leurs programmes et événements à la culture et à la présentation de la littérature et des écrivains, ainsi que des journaux et des sites qui s’intéressent uniquement à la littérature, et des conférences et festivals culturels organisés à l’échelle mondiale ».

Elle a affirmé dans le cadre de son propos que l’écrivain yéménite compte principalement sur lui-même pour promouvoir sa littérature et sa personne, et que les écrivains yéménites n’ont jamais connu de conférence littéraire ou de festival culturel au Yémen, en raison des conditions que traverse le pays.

Elle ajoute : « Il n’y a aucun intérêt ou soutien d’idées de la part du ministère de la Culture ou d’autorités gouvernementales. L’écrivain dépend de lui-même pour faire connaître la littérature yéménite, et les réseaux sociaux lui ont offert certaines opportunités. L’écrivain yéménite se fait une place avec sa plume dans la sculpture de la littérature arabe ».

Pour sa part, Ibrahim Abu Taleb, professeur de littérature et de critique moderne, dit : « Les médias modernes sont une grande bénédiction pour ceux qui savent les exploiter et les utiliser correctement. Grâce à eux, nous avons découvert des écrivains, des poètes et des créateurs que nous n’aurions pas connus sans ces médias. Cela n’est plus réservé aux autorités officielles ou aux chaînes gouvernementales ou privées, mais chaque véritable créateur a désormais sa propre chaîne par laquelle il peut s’élancer vers un monde qui est devenu un village unique ».

Il a souligné que chaque créateur peut présenter lui-même, sa culture et sa littérature de manière adéquate s’il souhaite transmettre un message et offrir un contenu de qualité, et non pas de simples bulles éphémères qui attirent l’attention des gens sur un sujet particulier et disparaissent avec le temps, s’effaçant comme un éclair dont il ne reste rien qui profite aux gens ni ne demeure sur terre.

Concernant les efforts déployés par les médias au Yémen, Sam Al-Behairi, fondateur de la plateforme Shdw Yameni (Chant yéménite) et président du salon littéraire Mayon, estime qu’il y a des efforts notables de la part de certaines institutions médiatiques et des corps intéressés par la littérature et la culture pour mettre en lumière les œuvres littéraires et les écrivains primés. Cependant, ces efforts ne sont pas à la hauteur de la grandeur des écrivains, de leurs efforts et de leurs productions, en raison de plusieurs raisons, la principale étant la crise humanitaire que traverse la société yéménite, qui a entraîné un manque d’intérêt pour le côté culturel et littéraire.

Des plateformes littéraires et une réalité difficile

Les écrivains, les intellectuels et les passionnés de littérature et d’art n’ont pas été de simples témoins silencieux de l’absence de la littérature yéménite dans les médias, mais se sont levés à nouveau, brandissant le drapeau de la culture et de la littérature en fondant des plateformes et des revues culturelles et artistiques.

Dans ce contexte, Fathi Abu Al-Nasr, président du site culturel Enzyahat, dit : « Notre slogan est (Nous avons un rêve). Face aux changements politiques, sociaux et culturels dans le pays, nous avons préparé notre site — malgré tous les défis — en tant que plateforme culturelle et sociale indépendante, visant principalement à promouvoir la culture, la littérature et la pensée libre au Yémen et dans le monde arabe ».

Concernant la revue Enzyahat, M. Abu Al-Nasr a précisé qu’elle a été publiée à Sana’a en tant que revue purement culturelle en 2010, et qu’elle a sorti quatre numéros, recevant un accueil chaleureux dans les milieux culturels et littéraires yéménites et arabes. Cependant, avec les conditions de conflit, elle a rencontré des difficultés.

Il poursuit : « Le milieu culturel yéménite a accueilli Enzyahat parce qu’elle est unique dans une réalité difficile ; il n’y a ni plateforme pour le ministère de la Culture ni pour l’Union des écrivains yéménites. Il est donc de droit que les créateurs yéménites publient leurs voix, et c’est pourquoi nous avons affronté des difficultés pour ce droit ».

Il y a aussi la plateforme Risha, qui est l’une des principales plateformes culturelles sur les réseaux sociaux. En peu de temps, elle a réussi à aborder et à discuter un ensemble de questions littéraires, artistiques et culturelles. La plateforme se distingue par sa mise en lumière des formes artistiques et musicales yéménites, ainsi que par son rôle dans la promotion de la littérature yéménite, ce qui l’a rendue accessible à un large public d’intéressés et de suiveurs.

Grâce à des efforts personnels, Risha a réussi à mettre en lumière des personnalités et des célébrités de l’art, de la littérature et de la culture, en plus d’aborder un ensemble de questions culturelles et sociales qui touchent les intérêts du public.

Concernant les opportunités littéraires offertes par la plateforme Risha, Shawqi Noman, poète et président de la plateforme, dit à Sawt Al-Amal : « Risha a été fondée en décembre 2022 et reste la première plateforme médiatique spécialisée dans le domaine artistique et littéraire, visant à promouvoir les œuvres des écrivains et des auteurs, à coordonner avec les maisons d’édition locales et internationales, ainsi qu’à publier des biographies d’écrivains, d’auteurs et d’artistes ».

Il ajoute : « Depuis sa création, Risha a fait de nombreux événements, séminaires et soirées littéraires, culturelles et artistiques pour célébrer les écrivains et les artistes, tout en suivant la publication de tout ce qui concerne le paysage culturel, ainsi qu’en documentant et en archivant certaines formes d’art et le patrimoine local yéménite ».

Il a également indiqué : « Depuis la création de Risha et bien avant cela, lorsque l’idée est née dans nos esprits et que nous avons commencé à y travailler, nous aspirons à ce que Risha devienne une institution artistique en plus d’être une plateforme médiatique. Elle souffre de nombreuses lacunes, notamment le manque de collaboration avec d’autres plateformes médiatiques, ainsi que d’un manque de financement qui nous aiderait à maintenir notre activité et à propulser le paysage artistique et culturel yéménite à un niveau de présence mondial ».

« La plateforme Risha fait face à de nombreux défis qui entravent son avancement et son développement, l’un des principaux étant l’absence d’un corps pour la soutenir financièrement, ce qui rend difficile pour l’équipe de réaliser des travaux importants et globaux dans le domaine de la documentation, de la publication et de la distribution. L’équipe a également besoin d’un soutien financier qui leur permettrait de travailler avec plus d’efforts, d’autant plus que la plupart des membres ont des engagements et des responsabilités familiales qui constituent un obstacle à leur dévouement complet à la plateforme. De plus, la plateforme rencontre des difficultés pour obtenir des approbations des institutions artistiques afin de signer des partenariats et des protocoles d’accord en vue d’un travail commun dans le domaine artistique, littéraire et culturel », selon M. Noman.

Pour sa part, M. Sam Al-Behairi est également d’accord en disant : « Il y a de nombreuses opportunités que nous offrons à travers la plateforme, et nous nous efforçons de les proposer via Shdw Yameni et le salon littéraire Mayon, notamment en matière de publication, de communication avec les écrivains, les auteurs et les poètes, ainsi qu’en mettant en lumière les publications littéraires ».

Il ajoute : « Nous encourageons les jeunes talents littéraires à publier leurs œuvres et à les présenter au public. Par exemple, la page du salon littéraire Mayon sur Facebook a offert une fenêtre aux poètes, leur permettant d’envoyer leurs contributions qui sont ensuite publiées sur la page. Nous cherchons ainsi à créer un espace pour faire connaître les écrivains, les auteurs et les poètes, tout en mettant en lumière la littérature yéménite et en préservant le patrimoine littéraire pour le transmettre aux générations futures ».

Il a souligné qu’il y a des difficultés auxquelles Shdw culturelle fait face, surtout le besoin de soutien financier et technique pour continuer et se développer de manière continue, la faiblesse de l’Internet, et la nécessité de formations et d’ateliers pour l’équipe afin de s’adapter à l’évolution numérique.

Défis et propositions

De nombreux défis se cachent derrière l’absence des médias yéménites dans le domaine de la pensée et de la littérature. M. Al-Qubatli a mentionné plusieurs défis auxquels fait face la distribution littéraire au Yémen à travers les médias, notamment le manque de ressources financières et techniques nécessaires pour couvrir de manière optimale le mouvement littéraire. Les livres et publications littéraires rencontrent des difficultés de distribution et d’accès aux lecteurs en raison de la faiblesse des infrastructures.

De son côté, M. Noman souligne le manque d’attention nécessaire au contenu culturel et littéraire de la part des médias. Souvent, les médias se concentrent sur des sujets politiques et sécuritaires au détriment du contenu culturel et littéraire. La littérature au Yémen fait face à des défis pour atteindre les jeunes lecteurs, qui se tournent souvent vers d’autres sources de contenu numérique.

Pour activer le rôle des médias dans la mise en lumière de la littérature au Yémen, il est nécessaire de faire attention à la programmation de ces médias, qu’ils soient officiels ou privés, et de se concentrer sur les événements littéraires. Cela implique de faire connaître au public les nouvelles œuvres littéraires et les créateurs yéménites, ce qui contribue à élargir l’horizon des lecteurs et à les éduquer, ainsi qu’à préserver le patrimoine littéraire yéménite et à le transmettre aux générations futures. Il est également essentiel de renforcer l’identité nationale en mettant l’accent sur les valeurs et les traditions yéménites reflétées dans la littérature.

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