La magie de la langue et la fluidité du style dans la littérature yéménite
Afrah Borji – Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir)
Vous êtes-vous déjà demandé comment le style d’un auteur peut différer de celui d’un autre ? La réponse réside dans la langue. Chaque auteur a sa propre manière d’utiliser les mots et de former les phrases, ce qui rend chaque œuvre littéraire unique. Dans ce rapport, nous examinerons l’impact de la langue et du style sur les différents types de littérature yéménite à travers les perspectives de spécialistes et de personnes concernées.
La relation entre la langue et la littérature
Le professeur de littérature moderne à l’Université de Hadramaout, le Dr. Taha Hussein Al-Hadhrami, affirme : « Il est essentiel de commencer par comprendre le concept de la langue et de la littérature. En effet, le concept de ‘langue’ fait référence au discours constitué de sons, de mots et de signes ayant un sens, ou qui constituent un outil de communication entre les individus pour exprimer leurs besoins pratiques et émotionnels, ainsi que pour l’expression, l’influence et la créativité artistique. En tant que système de règles et de relations entre les mots et les phrases dans leur structure, leur harmonie morphologique et leurs significations lexicales, Ibn Jinni a décrit cette fonction de la langue en la définissant comme : ‘Des sons par lesquels chaque groupe exprime ses objectifs’ ».
Le Dr. Taha a ajouté : « Le concept de la langue repose sur deux principes : d’abord, la clarté de l’expression linguistique à travers la structure correcte, la construction et la signification. Ensuite, l’expression linguistique en tant que spécificité créative sur laquelle le créateur base ses choix structurels, morphologiques et lexicaux ».
Le Dr. Taha a ajouté : « Quant à la littérature, dans ses définitions les plus simples, elle est une expression linguistique élégante qui reflète une expérience humaine réelle ; elle englobe tout ce que la pensée humaine produit en termes de connaissances variées. C’est l’un des moyens les plus importants par lesquels un écrivain exprime ses émotions et sentiments, ainsi que les éclairs de sa pensée et ses réflexions, à travers diverses formes d’écriture, que ce soit en poésie ou en prose ».
Concernant la relation entre la littérature et la langue, Al-Hadhrami déclare : « Cette relation est semblable à celle entre l’âme et le corps ; la langue est l’outil principal de la littérature et son moyen pour accomplir sa fonction de communication ».
Dans le même contexte, le Dr. Ibrahim Talha, spécialiste en langue et littérature, affirme : « La relation de la langue ne se limite pas à la littérature, mais s’étend à toutes les sciences et connaissances ; elle en est la clé. La langue est une caractéristique unique de l’humanité, distincte des autres créatures, et la littérature est à la fois une partie du système linguistique et une composante du comportement et de la pensée humaine. Comme on dit : ‘Le monde a vécu des siècles sans science, mais il n’a jamais vécu un seul jour sans littérature’ ».
L’importance de la langue dans le style et la littérature
Le Dr. Taha Al-Hadhrami précise que la langue représente l’un des moyens les plus importants de communication sociale. Elle exprime les pensées et les émotions de l’individu, reflète son identité idéologique, sociale, intellectuelle et culturelle, et constitue un élément fondamental dans la construction de la littérature. Quant au style, il met en avant la manière dont l’écrivain présente ses émotions et sentiments intimes, ainsi que l’organisation de ses idées.
Al-Hadhrami poursuit : « En considérant ce qui précède, on peut conclure que la relation entre la langue et le style dans le texte littéraire est une relation conditionnelle. Le style est la manière dont l’écrivain exprime ce qu’il ressent par écrit ».
Il a ajouté : « Certains écrivains européens ont considéré, selon cette distinction entre le contenu de la parole et la manière de l’exprimer, que la langue ou l’expression est comme un vêtement pour le sens, et que le style est comme le modèle de ce vêtement. Ainsi, ils ont affirmé que la langue ‘exprime’ tandis que le style ‘met en valeur’ ».
À partir de ce point de vue, l’importance de la langue et du style dans le texte littéraire se manifeste clairement, car ils contribuent à mettre en valeur son caractère expressif et stylistique. Ils indiquent de manière subtile la capacité unique de l’auteur à utiliser la langue et à exploiter ses différents niveaux d’expression.
Ibrahim Talha dit : « Le style linguistique est une méthode expressive, tandis que la linguistique stylistique est une science indépendante. Parler de langue et de style signifie généralement parler du style spécifique de l’auteur au sein du système linguistique. Il existe également un adage critique célèbre qui dit : ‘L’homme est le style, le style est l’homme’ ».
Langue familière et classique dans les œuvres littéraires
« Je préfère utiliser le dialecte au lieu de la langue standard, car la relation entre les deux est celle de la branche à la racine ; chaque dialecte est une émanation d’une langue donnée, et la différence réside dans le fait que le dialecte échappe aux règles strictes de la langue », c’est ainsi que le Dr. Taha Al-Hadhrami a commencé son discours sur les différences entre la langue courante et la langue littéraire dans de nombreuses œuvres littéraires.
Il a indiqué que l’utilisation des langues dans la création littéraire a deux aspects : Le premier est que chacune est utilisée dans son propre domaine comme moyen d’expression de son locuteur, comme nous le voyons dans la poésie populaire et la poésie classique, et cet aspect ne fait pas l’objet de débat. L’autre aspect est l’utilisation du dialecte dans le domaine de la langue classique, et c’est cet aspect qui a suscité un profond débat dans notre littérature arabe moderne.
Il a expliqué qu’il y a une division parmi les critiques ; elle se divise en deux sections. La première estime que le dialogue dans la création littéraire en prose doit être écrit en dialecte, arguant que cette écriture reçoit une réponse positive du public, qui y voit son propre quotidien ; c’est pourquoi le public est ému lorsque les personnages parlent dans la langue de leur réalité. La seconde section estime que le dialogue doit être écrit en langue classique, car écrire en dialecte est considéré comme une vulgarisation de la littérature ; ils pensent que ce type d’écriture sort de l’arène de la littérature arabe, qui est censée perdurer et rester éternelle, et que le succès de ces œuvres sur le plan populaire ne représente qu’un plaisir éphémère dont les œuvres périssent avec le temps.
Il a également déclaré : « Lorsque le conflit entre les deux camps s’est intensifié, un troisième groupe est apparu, trouvant une position intermédiaire entre eux. Ce groupe estime qu’il est nécessaire d’adhérer à l’arabe classique, mais dans une forme simple et flexible, dépourvue de prétention et éloignée de la vulgarité. Ils croient que notre langue nationale est une source inépuisable, riche en termes simples et évocateurs, que l’écrivain peut sélectionner pour créer un dialogue dramatique approprié pour les pièces de théâtre, les romans ou les nouvelles. Ce point de vue mérite d’être accepté, car il représente un juste milieu entre les deux extrêmes ».
Il a ajouté : « Il n’y a pas de contradiction entre l’utilisation de l’arabe classique et l’utilisation du langage populaire dans les contextes de communication générale. Néanmoins, dans les contextes scientifiques, éducatifs et médiatiques normatifs, nous utilisons l’arabe classique ».
Les types de littérature
Le Dr. Ibrahim Talha a examiné plusieurs aspects des genres littéraires. Il a souligné que la poésie est un reflet fidèle des sentiments de la société, représentant la voix de chaque individu. Il a également abordé le déclin de la popularité du théâtre arabe par rapport aux années 1980, exprimant la conviction que la vie elle-même est une scène ouverte.
Il a également noté que la littérature soufie représente un refuge pour l’âme face à la matérialité de la vie, et que les poèmes soufis codés sont devenus une source d’inspiration pour de nombreuses chansons.
Il a expliqué qu’il existe un lien entre la littérature humoristique et la souffrance sociale, en se référant à la théorie d’Ibn Khaldoun qui relie l’augmentation de la souffrance au désir croissant de comédie. Concernant les poèmes épiques, il a souligné qu’ils font partie des arts ayant des racines dans les cultures occidentales, et que les Arabes ont tenté d’adapter ce genre à d’autres formes, telles que les Mu’allaqât.
De son côté, le Dr. Taha Al-Hadhrami déclare : « La critique arabe a distingué entre les deux principaux genres littéraires : la poésie et la prose. Ainsi, tout ce qui était en vers était considéré comme de la poésie, et tout discours continu était de la prose. Dans le cadre de ces deux genres, les formes littéraires se sont diversifiées et ont évolué au cours de la période moderne. La poésie était le domaine prédominant de leur littérature, c’est pourquoi on disait d’elle qu’elle était le (Diwan des Arabes) ».
Il a expliqué que la prose, qui représente l’un des deux types de littérature expressive, se divise en deux catégories : La première est le discours courant utilisé dans les échanges quotidiens entre les gens, et ce concept de prose n’a absolument aucun rapport avec la littérature. La seconde est la prose artistique, qui est le terme littéraire pour désigner le discours en prose, en contraste avec la poésie. Cette forme de prose se distingue du discours ordinaire par une organisation soignée des idées, une présentation attrayante, une bonne formulation et une qualité de rédaction, tout en respectant rigoureusement les règles grammaticales en termes de structure, de morphologie et de signification lexicale.
Fondements fondés sur la distinction entre poésie et prose
Lorsqu’on a posé la question au Dr. Al-Hadhrami sur les bases qui permettent de distinguer entre la poésie et la prose, il a répondu que c’était une question d’une grande importance. En effet, elle explore les caractéristiques distinctives de chacun de ces genres, et elle renvoie au fondement sur lequel nous nous appuyons pour dire : « C’est un texte poétique, et c’est un texte en prose ».
Al-Hadhrami a indiqué qu’il existe de nombreux avis sur les critères de distinction entre la poésie et la prose, apparus au cours de l’histoire de la littérature arabe. Ces avis peuvent être regroupés en cinq grandes orientations:
1- Certains chercheurs ont tenté de différencier la poésie et la prose en fonction de leurs sujets. Ils ont affirmé que certains sujets sont propres à la poésie et d’autres à la prose. Cependant, cette approche est rejetée en raison des faits littéraires montrant que les deux genres ont abordé des sujets communs.
2- Selon Qudama Ibn Jaafar dans son ouvrage Le Naqd al-shi’r (La Critique poétique), la poésie est définie comme : « Un discours mesuré et rythmique qui indique une signification ». Certains chercheurs ont suivi cette définition en soulignant que la musique, le mètre et la rime distinguent la poésie de la prose. Néanmoins, cette opinion est contestée en raison des exemples de poèmes tels qu’Al-Alfiyya d’Ibn Malik, qui, malgré leurs caractéristiques formelles, ne sont pas considérés comme de la poésie mais comme de la versification. Certains critiques de cette distinction estiment que ses partisans se concentrent sur des éléments formels externes (la musique, le mètre, la rime). Ils soutiennent qu’il serait préférable de se baser sur la nature essentielle des deux genres pour différencier la poésie de la prose.
3- D’autres soutiennent que la distinction entre la poésie et la prose devrait se baser sur leur source première. La poésie serait centrée sur la sensibilité émotionnelle, d’où le nom de « poésie » en relation avec les sentiments et l’expression émotionnelle. En revanche, la prose serait davantage fondée sur la raison et la réflexion.
4- Certains affirment que la différence entre la poésie et la prose réside dans l’utilisation du langage. En poésie, le langage est plus tendu et suggestif, avec des mots à significations multiples, tandis qu’en prose, le langage est plus direct et fonctionnel.
5- Enfin, les partisans de la théorie de la réception soutiennent que la distinction entre les deux genres se base sur la manière dont le lecteur perçoit ces œuvres. La poésie, par exemple, est souvent reçue par l’écoute et la lecture, tandis que le théâtre est perçu à travers une performance visuelle et une lecture, et le roman principalement par la lecture.
Le Dr. Al-Hadhrami a déclaré : « Si nous examinons les directions précédentes, nous constaterons qu’elles reposent sur une approche dichotomique ; elles semblent donc, à première vue, contradictoires et opposées. Cependant, plusieurs chercheurs ont souligné que l’élément musical est clairement présent dans la poésie et la formulation poétique, mais cela ne signifie pas qu’il est absent de la prose. De même, les émotions et les sentiments sont plus liés à la poésie, tandis que les idées sont davantage associées à la prose. Cela ne veut pas dire que la prose est dépourvue d’émotions et de sentiments, tout comme la poésie n’est pas dépourvue d’idées ».
En conclusion sur le sujet de la littérature et de ses genres, le Dr. professeur de littérature moderne à l’Université de Hadramaout, déclare : « Dans ce contexte, il convient de souligner qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre la poésie et la prose, surtout en ce qui concerne leur essence. Chacun a son propre usage du langage, de la musique, de la description, des émotions et de la pensée. La différence réside dans le degré d’utilisation de ces éléments ».
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