Les mineurs yéménites : entre effets psychologiques et sociaux
Afrah Borji – Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir)
Dans des conditions matérielles aisées, l’enfant (A.N.) a souffert d’une privation émotionnelle et psychologique profonde. L’absence de soutien familial, d’amour et de tendresse l’a poussé vers le monde du crime, où il a trouvé dans le vol un refuge pour compenser les droits fondamentaux qu’il avait perdus au sein de sa famille. Cette histoire douloureuse révèle que la richesse matérielle seule ne suffit pas à construire une personnalité équilibrée. Le soutien émotionnel et psychologique est le véritable fondement du bonheur et du succès.
D’une voix étranglée, (A.N.) a dit : « Je suis devenu grand, mais je me sens rejeté par ma famille et ma communauté ». Ces mots reflètent l’amertume des années que ce jeune homme a passées seul, perdu dans les établissements pénitentiaires pour mineurs. Après que ses actes ont révélé une blessure profonde, il s’est retrouvé seul face aux conséquences de ses actions.
L’histoire de (A.N.) est une tragédie qui met en lumière l’importance du rôle de la famille dans la construction de la personnalité de l’enfant et dans son orientation vers le droit chemin. Certaines familles négligent l’état psychologique ou social de l’enfant, ce qui le pousse à fréquenter de mauvais endroits et à adopter des comportements inappropriés.
Une autre histoire, racontée par une spécialiste en psychologie (qui a préféré rester anonyme), illustre une réalité désolante où la famille ne parvient pas à prendre en charge l’enfant, l’abandonnant à la moindre action qu’il commet involontairement. Les troubles psychologiques, tels que la dépression et l’anxiété, ont un impact négatif sur l’enfant dès son plus jeune âge.
La spécialiste raconte : « (N. S.), une petite fille qui a perdu la chaleur de sa famille à un jeune âge, s’est retrouvée obligée de se marier précocement pour échapper à une réalité amère. Son histoire révèle les conséquences dévastatrices de la négligence familiale et de la désintégration du foyer sur la vie des enfants, et nous rappelle l’importance de leur offrir un environnement sûr et aimant pour les protéger de la violence et de l’abandon ».
L’histoire de (N. S.) souligne l’importance du rôle familial dans la formation de la personnalité de l’enfant. La négligence émotionnelle et psychologique qu’elle a subie pendant son enfance a laissé des traces profondes dans sa psyché et l’a poussée à prendre des décisions hâtives dans sa vie. Ce récit sonne l’alarme sur la montée de la désintégration familiale et ses effets négatifs sur les enfants.
Actuellement âgée de 23 ans, (N. S.) se retrouve seule face à un destin cruel. Après un mariage raté qui s’est transformé en enfer de violence, elle s’est retrouvée accusée d’un crime qu’elle a commis pour se défendre. Aujourd’hui, elle travaille comme domestique dans une maison étrangère, rejetée par sa communauté qui la qualifie de « meurtrière » et de « criminelle ».
Les effets sociaux
Lors d’un entretien avec la spécialiste en travail social, Bushra Al-Shaddadi, elle a révélé que la violence familiale, y compris la négligence, les abus et la discrimination entre les enfants dans le traitement, est l’une des principales causes du comportement agressif chez les enfants. Elle a également souligné que d’autres facteurs, tels que le harcèlement et la séparation familiale, contribuent à renforcer ce comportement agressif qu’ils portent en eux jusqu’à l’âge adulte. Elle a mis en garde contre la gravité de ce problème et l’importance d’une intervention précoce pour protéger les enfants et leur offrir un environnement sécurisé.
Elle a expliqué que la violence familiale n’est pas un simple incident passager, mais qu’elle laisse des cicatrices profondes dans l’âme des enfants, affectant leur personnalité et leur comportement à l’avenir. Les enfants qui sont témoins ou victimes de violence, qu’elle soit physique ou psychologique, sont plus susceptibles de développer des troubles psychologiques et comportementaux, et peuvent devenir des individus violents. La famille est responsable de la formation de la personnalité et du comportement de l’enfant, et de nombreuses familles contribuent à la destruction de leurs enfants à cause de la violence et de la négligence, ce qui conduit à l’apparition de comportements agressifs chez eux à l’avenir.
La perception sociale
En ce qui concerne la perception sociétale, Bushra Al-Shaddadi souligne que le regard négatif de la société envers les mineurs et l’environnement inadéquat dans lequel ils vivent jouent un rôle crucial dans la formation de leurs comportements agressifs. Les enfants qui se sentent marginalisés et exclus ont tendance à agir de manière agressive, ce qui contribue à l’augmentation des taux de criminalité dans la société.
Elle explique également que la violence communautaire, qu’elle soit directe ou indirecte, laisse des impacts extrêmement graves sur les enfants. Ceux qui sont témoins ou victimes de violence sont plus enclins à reproduire ces comportements agressifs, ce qui menace la sécurité de la société.
Les effets psychologiques
En ce qui concerne les effets psychologiques, la spécialiste en psychologie Wafa Saad explique qu’il existe plusieurs facettes du comportement agressif chez l’enfant. Comme tout le monde le sait, l’enfant vient au monde tel une page blanche, et ce sont les parents qui sont les premiers à écrire sur cette page.
Elle a souligné que certaines études ont confirmé que l’aspect génétique joue un rôle dans le comportement agressif des enfants. Certains naissent avec une prédisposition à l’agressivité, car ils se trouvent dans un environnement fertile en conflits, violences, et négligence. Cet environnement est propice à l’épanouissement de cette prédisposition et à sa transformation en un comportement agressif.
À ce propos, l’experte psychologue, Wafa, déclare : « La famille est le premier responsable du comportement agressif de l’enfant, que ce soit de manière directe ou indirecte. Voir de la violence entre les parents ou subir des violences physiques ou psychologiques plante en lui les graines de l’agressivité, ce qui conduit à des troubles comportementaux graves ».
Elle a ajouté : « De plus, l’excès de permissivité et l’absence de responsabilisation créent un enfant insensible aux sentiments des autres et égoïste, qui pourrait recourir à la violence pour obtenir ce qu’il veut. Beaucoup de comportements sont d’abord appris au sein de la famille, puis auprès de mauvaises fréquentations, notamment à l’adolescence. En plus du rôle de la famille, les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle en diffusant une culture de la violence sous toutes ses formes ».
Des rapports
Selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge intitulé « Yémen : quand la guerre détruit l’enfance » publié en 2019, les enfants du Yémen vivent une réalité tragique, étant exposés aux formes les plus horribles de violence et d’exploitation. Les bombardements aveugles, le recrutement forcé, la privation d’éducation et de soins de santé, ces enfants subissent de graves violations de leurs droits fondamentaux. Les scènes terrifiantes de destruction qu’ils voient quotidiennement laissent des traces psychologiques profondes et indélébiles, les poussant au bord du gouffre.
Des études internationales ont également révélé l’ampleur de la catastrophe humanitaire dont souffrent les enfants du Yémen. Elles montrent une augmentation alarmante des taux de détresse psychologique chez les enfants dans plusieurs gouvernorats du pays. Plus de 30% des enfants souffrent de symptômes physiques liés au stress, tels que des maux de tête et des douleurs abdominales, ce qui témoigne de la profondeur de la souffrance qu’ils endurent.
Ces études ont également confirmé que l’intensité du conflit dans différentes régions du Yémen est directement liée à la gravité des symptômes psychologiques chez les enfants. Selon les parents, 5% des enfants souffrent d’énurésie nocturne et 2% de bégaiement. Plus de la moitié des enfants ont des troubles du sommeil et des difficultés de concentration. Ces chiffres alarmants révèlent l’ampleur de la catastrophe humanitaire à laquelle est confrontée une génération entière d’enfants yéménites.
Les traitements
Dans un rapport intitulé : « La guerre brutale au Yémen se poursuit sans relâche » (2019), l’UNICEF a exhorté la communauté internationale à fournir des contributions financières urgentes et inconditionnelles pour sauver la vie des enfants yéménites qui souffrent d’une crise humanitaire aiguë. L’organisation a également appelé à augmenter les investissements au Yémen, affirmant que c’est la seule voie pour stabiliser le pays et assurer un avenir meilleur pour les générations futures.
L’UNICEF a confirmé que les enfants yéménites sont les plus touchés par le conflit en cours dans le pays ; ils souffrent de malnutrition, de maladies et d’actes de violence. L’organisation a averti que si la situation persiste, cela entraînera une aggravation de la crise humanitaire et de la souffrance des enfants yéménites.
La spécialiste en psychologie, Wafa Saad, a souligné la nécessité de prendre des mesures urgentes pour protéger la santé mentale des enfants yéménites, affirmant que la construction d’une génération en bonne santé commence au sein de la famille.
Elle a également souligné l’importance de sensibiliser les parents aux méthodes éducatives modernes, de fournir un soutien psychologique aux enfants souffrant des séquelles des traumatismes, et de mettre en place des bureaux de conseil familial pour offrir aide et conseils aux parents dans l’éducation de leurs enfants, surtout dans le contexte difficile que traverse le Yémen. Elle a aussi mis en garde contre les dangers d’Internet pour la santé mentale des enfants, appelant à une surveillance parentale stricte sur les contenus visionnés par les enfants. Elle a recommandé de consulter des spécialistes en psychologie et en travail social pour évaluer et traiter les enfants présentant des comportements atypiques.
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