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Les centres de santé mentale au Yémen : Des efforts limités face à l’augmentation des cas psychiatriques

Alia Mohammed – Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir)

Le conflit au Yémen et ses effets sur de nombreux secteurs vitaux du pays ont entraîné une détérioration des conditions économiques, sanitaires et sociales, ce qui a contribué à l’augmentation du nombre de problèmes de santé mentale chez les citoyens. Cette situation nécessite la mise en place d’un environnement sûr et favorable pour les enfants et les jeunes touchés par le conflit. Les centres de soutien et de santé mentale constituent le lieu idéal pour traiter ces problèmes de santé mentale. Ils fournissent un soutien mental et émotionnel aux bénéficiaires, offrent les services de conseil et de traitement nécessaires, et contribuent également à renforcer la santé mentale de l’ensemble de la société.

Les centres de santé mentale travaillent également à sensibiliser la société à l’importance de la santé mentale et proposent des programmes de prévention pour limiter la propagation des problèmes mentaux. Cependant, on peut se demander quelle est la réalité du travail des centres spécialisés en soins mentaux au Yémen ? Jouent-t-ils leur rôle en aide aux cas de santé mentale ?

Pour le savoir, ce rapport met en lumière le rôle des centres de santé mentale et les défis et difficultés rencontrés à la fourniture de soins mentaux.

La santé mentale au Yémen

Selon Radwan Abdelwahab Al-Sharjabi, conseiller en soutien psychosocial, la santé mentale au Yémen ne peut être dissociée de l’environnement social, économique, politique et culturel. Elle est fortement influencée, de manière positive ou négative, par ces différents facteurs, ce qui entraîne une augmentation des taux de troubles mentaux et des difficultés de rétablissement.

Il a également expliqué que des études montrent que les pays en développement sont les plus touchés par la propagation et l’augmentation des indicateurs de troubles mentaux. En effet, de nombreux pays en développement n’accordent pas suffisamment d’importance à la santé mentale, ce qui entraîne l’absence de stratégies nationales pour faire face aux problèmes mentaux.

Il a ajouté : « Le contexte culturel joue un rôle central dans la définition de la réalité de la santé mentale au Yémen. En effet, il reste marqué par la stigmatisation sociale refusant de reconnaître la maladie mentale. Cela conduit une grande partie de ceux qui souffrent de symptômes de troubles mentaux multiples à s’abstenir de se manifester et de demander de l’aide aux professionnels, surtout les femmes et les filles ».

Il a également souligné que l’approche dominante dans le traitement officiel de la santé mentale n’a pas évolué depuis des décennies. Cette approche traite la santé mentale de manière limitée et cloisonnée au sein du système de santé publique. Dans le domaine de la santé mentale elle-même, on ne s’intéresse qu’aux niveaux de troubles mentaux les plus graves ou pathologiques, négligeant les troubles plus légers ou complexes.

Il invoque dans sa parole que le Yémen fait partie des pays du monde où la santé mentale n’a pas reçu une grande attention. En effet, pendant des décennies, la santé mentale n’a été traitée que comme une composante partielle du système de santé publique, sans qu’il y ait d’institutions spécialisées dans la santé mentale, chargées de définir les politiques, la planification stratégique et de suivre les progrès scientifiques et techniques dans ce domaine.

Les centres de santé au Yémen

Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé publié en 2014, les données sur le nombre de professionnels de la santé mentale au Yémen indiquaient l’existence de 3 hôpitaux spécialisés en santé mentale et d’une unité de psychiatrie dans un hôpital général. Par ailleurs, le plan de réponse du Ministère de la Santé publique et de la Population pour 2020-2021 a révélé l’existence de 4 hôpitaux psychiatriques publics dans 4 gouvernorats (Sana’a, Taïz, Al-Hodeïda et Aden), d’un service de psychiatrie dans chaque hôpital, ainsi que de 7 cliniques ambulatoires spécialisées en santé mentale.

M. Al-Sharjabi a indiqué que l’absence de centres de santé mentale et le manque d’attention à leur égard se sont négativement répercutés sur la situation de la santé mentale au Yémen, en termes de pénurie de psychiatres et d’institutions de soins de santé mentale. Bien qu’il y ait une large base de diplômés universitaires dans divers domaines et spécialités liés à la psychologie, la majorité d’entre eux s’oriente vers d’autres domaines demandés sur le marché du travail, généralement éloignés du travail social et psychologique. Ainsi, d’importantes ressources humaines sont perdues, affectant la reconnaissance sociale de la santé mentale dans son ensemble.

Il dit : « En comparant le nombre d’hôpitaux psychiatriques au nombre total d’hôpitaux et de centres de santé publics dans le pays, cela révèle le paradoxe et l’écart important entre l’attention accordée à la santé publique par rapport au faible niveau d’intérêt pour la santé mentale ».

Il a expliqué que dans les principales villes où des hôpitaux psychiatriques ont été établis (Sana’a – Aden), les services fournis par ces hôpitaux ciblaient la tranche des patients mentalement malades, sans offrir de soutien psychosocial aux personnes ayant besoin de services psychologiques et sociaux, qui constituent la grande majorité de la société.

M. Al-Sharjabi a également souligné que la réalité de la santé mentale a été très fortement affectée au cours de la dernière décennie, caractérisée par les conflits, les troubles et la détérioration des conditions sociales, économiques et de développement, qui ont contribué à l’expansion de la tranche de la population souffrant de troubles mentaux, surtout les enfants, chez lesquels on a observé des indicateurs importants de troubles mentaux (tels que le trouble de stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété, l’hystérie, les névroses, etc.).

« La maladie m’épuise… mais ma famille n’est pas d’accord pour que je vienne à la clinique, et rejette complètement cette idée ». Ce sont les derniers mots que nous entendons en tant que spécialistes en psychothérapie, après avoir consacré l’essentiel de notre carrière à l’étude, à la pratique et au développement de ce domaine. C’est ce qu’a confirmé M. Abdelhafez Al-Khamri, un expert en formation mental.

Il dit : « Nous entendons souvent ces expressions de la part de nombreuses personnes, qui ne réalisent pas que le traitement mental repose sur le diagnostic, surtout le diagnostic dynamique qui suit le trouble depuis son apparition, son évolution et l’observation des facteurs d’aggravation et de diminution, son développement et sa profondeur, son influence par de multiples variables, jusqu’à la situation actuelle, et même ce qui peut en être le résultat si la personne souffrant du trouble n’est pas traitée ».

Des défis et des solutions

Mounia Najeeb, psychothérapeute, a déclaré que les centres de traitement mental jouent un grand rôle dans le renforcement de la santé mentale des membres de la société, en offrant une variété de traitements mentaux pour aider les personnes à faire face aux troubles mentaux tels que l’anxiété et la dépression.

Elle a ajouté : « Les centres de santé mentale au Yémen sont limités, et malgré la création de certains centres et cliniques spécialisés en psychiatrie au cours des dernières années dans plusieurs gouvernorats yéménites, les capacités et les ressources disponibles pour ces centres restent limitées, en raison de la situation actuelle du pays, qui n’a pas pu fournir ses services de traitement psychiatrique à une grande partie de la population, et le rôle des centres reste modeste par rapport aux besoins énormes ».

Elle a également indiqué dans son interview que les principaux défis et difficultés des centres de santé mentale au Yémen sont : La limitation du financement gouvernemental et du soutien international pour le développement des infrastructures et l’achat d’équipements médicaux, le manque de centres spécialisés et équipés pour fournir des services psychologiques, la pénurie de personnel spécialisé et l’absence de sensibilisation sociétale à l’importance de la santé mentale, ce qui empêche de nombreux patients et leurs familles de suivre un traitement psychiatrique en raison de la stigmatisation sociale liée aux problèmes de santé mentale et des croyances traditionnelles qui préfèrent les solutions religieuses et populaires au traitement mental.

Elle a souligné que le traitement de ces défis nécessite des efforts intégrés au niveau des politiques, des ressources humaines et de la sensibilisation sociétale.

De son côté, M. Al-Sharjabi dit : « Bien que l’attention de la société soit tournée vers la santé mentale des enfants et des femmes, à travers les organisations de la société civile, et que le gouvernement s’y intéresse dans le cadre de projets et de programmes financés par des donateurs internationaux, qui sont le plus souvent axés sur le soutien psychosocial fondé sur la famille et la communauté, ces projets ont une durée et une portée géographique limitées, et manquent d’une planification adéquate basée sur une étude des besoins de la communauté et sur la priorité accordée à la ciblage des bénéficiaires ».

Il a ajouté : « Au moment où les hôpitaux psychiatriques ont subi des dommages en raison de l’absence de dépenses de fonctionnement et de médicaments psychiatriques, les autres hôpitaux n’ont pas été en mesure d’accueillir les cas de maladies mentales, ce qui a fait de la rue un refuge pour ces patients, qui se retrouvent à dormir par terre ».

Il a expliqué que la stratégie nationale de santé mentale au Yémen pour la période 2022-2026 a abordé de multiples aspects de la santé mentale au Yémen, mais que cette stratégie n’a pas répondu au niveau d’ambition nécessaire pour améliorer la réalité de la santé mentale et l’orientation visant à renforcer l’institution de la santé mentale au Yémen.

Il a expliqué qu’il n’y a pas de groupe de travail sur la santé mentale qui comprenne les composantes gouvernementales et non gouvernementales liées à la santé mentale, mais que de nombreuses parties revendiquent la responsabilité du programme de santé mentale. En effet, les tâches liées à la santé mentale se résument aux interventions thérapeutiques pour les troubles mentaux graves ou les maladies mentales, dépassant les niveaux et les spécialistes du soutien psychosocial.

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