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Des opinions sociétales sur la souffrance et la réalité des mineurs délinquants au Yémen

Afrah Borji – Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir) 

Face à la crise qui frappe le Yémen depuis plusieurs années, et au manque de soutien familial et communautaire, des milliers d’enfants vivent une réalité amère ; ils paient le prix de ces conflits et de leurs effets qu’ils n’ont pas engendrés, passant du statut de victimes de circonstances difficiles à celui de criminels. Bien qu’il existe des lois régissant le traitement des mineurs délinquants au Yémen, la réalité montre un écart important entre les textes légaux et leur application pratique.

Dans ce rapport, on examinera les opinions de la société sur la réalité des mineurs délinquants au Yémen, ses causes, les conditions difficiles subies par eux à cette étape, ainsi que les traitements nécessaires contribuant à réduire leur nombre croissant et à les aider.

Les causes

Arwa Badawi, femme des médias, parle des causes générales de l’enfant mineur, en disant : « L’absence du rôle de la famille dans l’encadrement de l’enfant et la satisfaction de ses besoins psychologiques d’abord, puis financiers, expose l’enfant à de nombreux risques qui peuvent changer sa vie, ainsi que l’incapacité à répondre à certaines questions que l’enfant pose directement ; ce qui crée en lui de la confusion et de la curiosité, le poussant à chercher des réponses dans son environnement, à savoir la rue, et c’est là la catastrophe, car il peut tomber entre les mains de personnes déviantes qui construisent en lui des convictions et des idées conduisant aux comportements nuisibles ».

Mme. Badawi continue : « La violence envers l’enfant, que ce soit de la part de la famille, de l’école ou de ses pairs dans la société, le pousse vers la criminalité, et le fait de laisser l’enfant en proie à des matériels incitant à la violence, que ce soit des films ou des séries, comme les drames ou les dessins animés, peut-être une autre raison pour la délinquance de l’enfant ».

Elle a également souligné que grandir en tant qu’enfant yéménite dans une société confrontée à plusieurs conflits, où il voit les manifestations de violence et de destruction devant lui, lui cause de profonds traumatismes psychologiques qui affectent son développement et sa croissance. De plus, le recrutement des enfants, puis leur démobilisation sans fournir les moyens d’une bonne intégration affecte grandement leur psychologie.

Raghad Al-Jabri, spécialiste en sciences sociales, estime que la principale cause de l’existence des mineurs délinquants est l’échec du premier système censé les protéger, à savoir la famille. Le phénomène des mineurs délinquants n’est pas le résultat d’un acte individuel, mais plutôt le produit d’une désintégration familiale et sociale. L’enfant est affecté par la réalité de la famille et les souffrances de la société, ainsi que par les comportements contagieux.

Hager Taher, femme des médias, elle dit : « Il y a de nombreuses raisons qui poussent les enfants à commettre de nombreux crimes, notamment l’absence du rôle familial et le fait que l’enfant assume la responsabilité familiale avant l’heure, à cause du décès du père ou de la séparation des parents, ainsi que les compagnons et les amis qui jouent un rôle dans la détermination des comportements des enfants ».

Elle poursuit : « Dans notre situation actuelle, les plateformes de réseaux sociaux jouent un rôle négatif sur l’enfant. Lorsque l’enfant yéménite voit sa vie et la compare à celle des enfants à l’étranger, en raison de la situation de vie, économique et politique au Yémen, cela a un impact sur sa psychologie, et il se demande pourquoi nous ne vivons pas comme eux, ce qui génère le plus souvent un sentiment d’infériorité et de manque de confiance, qui le poussent à commettre des crimes ».

Dans le même contexte, Rashid Saif, journaliste, dit : « Le fait que les enfants commettent des crimes et soient traduits en justice peut être attribué à plusieurs causes sociales, dont la violence familiale, la séparation des parents ou la négligence de la famille, ce qui amène l’enfant à se sentir perdu et à devenir une personne malsaine. En plus, les conditions économiques, l’emploi des enfants à un jeune âge, le manque d’opportunités éducatives, le fait de permettre aux enfants d’intégrer des groupes de pairs malsains, ainsi que la faiblesse et la fragilité du rôle des médias et de la sensibilisation ».

La réalité des mineurs délinquants entre marginalisation et manque de droits

Le mineur délinquant au Yémen vit entre la marginalisation de la famille et l’absence de ses droits dans la société, ce qui en fait un être rejeté dans une société le considérant comme un criminel.

À ce sujet, Mme. Badawi dit : « Je pense que les mineurs délinquants au Yémen n’ont pas encore totalement obtenu leurs droits en matière de réadaptation et de réforme appropriées au cours des années passées, en raison de l’instabilité de la situation au Yémen, qui a fortement affecté le rôle des foyers des mineurs qui souffrent du manque d’infrastructures pour accueillir ou réhabiliter les enfants, ainsi que de la faiblesse des programmes de réadaptation et d’éducation ».

Selon Rashid Saif, les mineurs délinquants au Yémen font face à un stigmate social et sont traités comme des criminels, au lieu d’être traités comme des enfants ayant besoin d’une réadaptation psychologique et éducative. Dans de nombreux cas, ils sont détenus dans des environnements inappropriés, ce qui augmente la probabilité qu’ils retournent à un comportement criminel plutôt que d’être réhabilités.

Des enfants privés de leurs droits les plus élémentaires

Mme. Taher dit : « À mon avis, la réalité des mineurs délinquants dans la situation actuelle est très mauvaise, car il n’y a pas de préoccupation pour eux ou de considération pour leurs situations et leurs sentiments. Nos enfants, dans un pays comme le Yémen plein des conflits, vivent une enfance appauvrie, sans attention, sans éducation, sans vie décente ni calme. C’est-à-dire qu’ils sont privés de leurs droits les plus élémentaires ».

C’est ce que confirme Mme. Raghad Al-Jabri, qui considère que la situation de l’enfant yéménite est très mauvaise, surtout celle des mineurs délinquants, dont les responsables de la maison de correction trouvent difficile d’essayer de les réformer en raison de la situation générale du pays.

Elle poursuit : « La société n’évalue pas la situation de l’enfant de manière objective, et les tribunaux manquent de réforme et d’amélioration ; ils infligent des punitions sans tenir compte de l’aspect de prévention, de traitement et de développement pour ce groupe. Le mineur délinquant aujourd’hui n’est pas seulement celui qui commet un crime, mais dans le contexte de la propagation des fléaux, chaque enfant est exposé à la délinquance, il faut donc examiner attentivement la prévention de ce problème ».

Les défis

Mme. Badawi déclare à ce sujet : « Les mineurs délinquants font face à de forts défis dans notre société, car il n’y a pas de réelles possibilités dans la réalité pour les encadrer, modifier leurs comportements et les intégrer dans la société ».

Elle continue : « La faiblesse des programmes de réadaptation pour eux, l’absence des foyers des mineurs dans certains gouvernorats, et leur mélange avec de grands criminels, sont tous des facteurs qui complexifient davantage la situation et rendent leur réadaptation presque impossible, car ils acquièrent une confiance et une expérience du crime bien supérieure à leur niveau normal et à leur âge. Il est facile pour le criminel adulte d’influencer l’esprit du mineur et de l’exploiter dans le crime, ou de l’exposer à la violence physique, psychologique ou sexuelle, ou à tout cela à la fois ».

Elle ajoute : « L’incapacité à les intégrer, même s’ils sont réadaptés, en raison du conflit et de l’instabilité dans divers domaines, notamment l’éducation, la santé et l’économie, qui constituent l’axe le plus important pour redresser la situation ».

« Au Yémen, il y a de nombreux défis aux enfants et qui influencent leurs comportements. Ces défis sont liés aux situations politiques, économiques et sociales ». C’est ainsi qu’a commencé Rashid Saif en parlant des défis des mineurs délinquants au Yémen.

Il a souligné que les conflits armés entraînent la désintégration des structures sociales et familiales, exposent les enfants à diverses formes de violence, d’exploitation, de pauvreté, de manque d’éducation et de faiblesse du système judiciaire.

Mme. Raghad Al-Jabri souligne que le plus grand défi des mineurs délinquants au Yémen est l’absence de personnes ou d’entités responsables pour les sortir de cette voie et les aider. Si un enfant s’écarte vers une quelconque action mauvaise, il ne connaît pas le chemin du retour, même s’il est conscient d’être en difficulté, et il ne trouve pas d’endroit sûr capable de l’accueillir et de l’aider à se relever pour redevenir une personne utile.

Les traitements

Mme. Arwa Badawi a souligné les principales solutions pour réduire le taux croissant de mineurs délinquants au Yémen. Il s’agit de se concentrer sur l’éducation des enfants et de ne pas les laisser décrocher de l’école, d’organiser des camps d’été qui permettent à l’enfant d’acquérir un métier et des compétences pour développer ses connaissances et occuper son temps libre, de travailler ensemble pour améliorer la situation du pays sur les plans sécuritaire, économique et politique, et d’attirer l’attention des organisations internationales et de la société civile – en l’absence de l’État – sur l’intensification et la création d’espaces sûrs pour la prise en charge des enfants.

De plus, M. Saif souligne l’importance de renforcer le soutien à la famille et de fournir des programmes pour enseigner aux parents comment traiter les enfants de manière positive, afin de réduire les risques de délinquance des enfants. Il ajoute également qu’il faut garantir les opportunités éducatives, créer de bons emplois, en se concentrant sur l’intervention précoce à travers des programmes spéciaux destinés aux enfants, et développer les lois relatives aux enfants.

Mme. Hager a souligné l’importance du rôle central de la famille dans la protection des enfants contre la délinquance. Elle a insisté sur la nécessité de répondre à leurs besoins psychologiques et sociaux, et en cas d’indication de la délinquance de l’enfant ou de son exposition à tout préjudice, une intervention rapide de la part des autorités compétentes est nécessaire. Pour avoir plus de succès dans ce domaine, les efforts de la famille, de la société et des institutions concernées doivent être conjugués.

Quant à Raghad Al-Jabri, elle dit : « La principale solution pour faire face aux mineurs délinquants est la prévention, qui est la première solution, en s’attaquant aux causes du problème, à savoir l’éloignement des valeurs morales et l’absence des parents de la vie de leurs enfants, comme nous le voyons avec la propagation de groupes criminels silencieux qui entraînent des enfants pour en faire des mineurs jour après jour ».

Mme. Al-Jabri souligne également l’importance de fournir des endroits sûrs où l’enfant peut se réfugier pour revenir sur le bon chemin, et que la question de la réforme et de l’orientation doit être confiée aux parents, afin d’obtenir des résultats tangibles, car la punition n’est pas synonyme de réforme.

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