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L’effondrement économique et le taux de chômage élevé augmentent les troubles psychiatriques au Yémen

Ahmad Bajoaim – Sawt Al-Amal (La Voix de l’Espoir)

La santé mentale au Yémen fait face à d’énormes défis, qui s’aggravent avec la poursuite de la crise humanitaire et économique qui frappe le pays depuis des années, laissant des suites désastreuses sur la vie et la santé mentale des Yéménites. Ils vivent sous de fortes pressions psychologiques, due à la perte de sécurité et de stabilité, surtout la stabilité financière, la perte d’emplois et le manque d’opportunités de travail. Tous ces facteurs font augmenter de manière inquiétante le taux de problèmes de santé mentale, menaçant la vie de nombreux Yéménites qui peuvent être tentés par le suicide ou la commission de crimes contre eux-mêmes ou leurs proches.

La situation économique au Yémen s’est considérablement aggravée en raison du conflit en cours depuis 2015, entraînant l’effondrement de l’économie nationale, une augmentation significative du chômage, une baisse notable de la valeur de la monnaie locale, l’absence de versement des salaires dans de nombreux secteurs, ainsi qu’une forte inflation des prix des biens et services essentiels.

Tous ces facteurs et bien d’autres ont pesé lourdement sur la vie des familles yéménites, aggravant les fardeaux psychologiques rencontrés. Se trouvant dans l’incapacité de subvenir aux besoins essentiels de leurs familles, elles éprouvent un sentiment d’anxiété, de tension et de désespoir pour l’avenir. Cette situation est encore exacerbée par la grave pénurie de centres de santé et de soutien psychologique au Yémen, entravant l’accès des patients aux soins et au soutien mental nécessaires.

Les effets négatifs

Selon Dr. Adnan Al-Qadi, conseiller académique à l’hôpital des maladies mentales et nerveuses à Taïz, l’interruption des salaires, la perte d’emplois, l’inflation galopante et l’effondrement de la situation économique du pays ont un impact négatif sur la santé mentale des individus.

Il a souligné que les facteurs économiques négatifs ont rendu les individus incapables de subvenir à leurs besoins de base en matière d’alimentation, de logement, de soins de santé et d’éducation pour leurs enfants. Cela a entraîné un cumul de sentiments négatifs comme l’anxiété, la tension, l’irritabilité, la dépression et la perte d’espoir en l’avenir. Dans les cas les plus graves, certaines personnes peuvent même envisager le suicide comme moyen d’échapper aux tourments et aux pressions de la vie.

Dr. Al-Qadi a ajouté que les pressions psychologiques subies par de nombreuses personnes en raison de leurs difficultés de vie peuvent les conduire à développer des maladies psychosomatiques. Cela inclut des problèmes tels que l’hypertension artérielle, les ulcères gastriques, les caillots sanguins, les accidents vasculaires cérébraux et le diabète, entre autres affections physiques.

Il a expliqué que l’augmentation des niveaux de nervosité et le manque de sommeil ont un effet négatif sur les fonctions de l’organisme et affaiblissent le système immunitaire, rendant les individus plus vulnérables aux maladies. En outre, les tensions psychologiques ont également un impact néfaste sur les relations familiales, exacerbant les problèmes domestiques et entraînant une hausse des taux de divorce.

Tahani Al-Amoudi, psychologue, a souligné que les crises économiques représentent une menace grave pour la santé mentale des individus au Yémen. Ces crises entraînent une accumulation de sentiments négatifs chez les personnes, comme l’anxiété et la dépression, en raison de l’incertitude quant à leur avenir financier et de leur incapacité à subvenir à leurs besoins essentiels.

Mme. Al-Amoudi a ajouté que « Le stress continu causé par l’instabilité financière a un effet néfaste sur la santé physique des individus, augmentant les risques de maladies cardiaques et d’hypertension. De plus, les crises économiques conduisent les personnes à ressentir une perte de valeur et d’estime de soi, surtout lorsqu’elles perdent leur emploi ou ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille ».

Elle a poursuivi en disant que : « Les suites négatives des crises économiques augmentent les risques de développer des problèmes de santé mentale, comme l’isolement social. En effet, les personnes ayant des difficultés financières ont tendance à s’isoler de leur vie sociale, de leur famille et de leurs amis, ce qui aggrave leurs problèmes psychologiques. Cet isolement social peut être l’un des impacts psychologiques les plus dangereux des crises économiques si les personnes touchées ne reçoivent pas un traitement psychologique approprié à temps ».

Les impacts de la performance économique

Dr. Al-Qadi a souligné que la santé mentale constitue un élément fondamental pour l’individu et la société. Elle a un impact direct sur tous les aspects de la vie. Un individu mentalement sain, exempt de soucis et de stress, tant physique que mental, est en mesure de canaliser ses énergies de manière positive vers la productivité et le travail. Cela contribue à la réalisation du développement et du progrès au niveau individuel.

Il a ajouté que lorsqu’une société est atteinte de problèmes psychologiques, cela se traduit par une aggravation des problèmes sociaux tels que la violence, la criminalité et la destruction des biens publics. Cela entrave le progrès de la société et menace sa stabilité. Alors, l’amélioration du niveau économique d’une société passe nécessairement par l’amélioration de son niveau psychologique, tout comme la situation psychologique de l’individu a un impact direct sur son niveau économique.

Mme. Al-Amoudi a accentué que la santé mentale de l’individu joue un rôle central dans la performance économique, aussi bien au niveau individuel que sociétal. En effet, les employés souffrant de problèmes psychologiques affichent souvent une baisse de productivité et de rendement professionnel, ce qui a un impact négatif sur la productivité générale des entreprises et des institutions pour lesquelles ils travaillent.

Elle a souligné que l’absentéisme ou la procrastination au travail augmentent le stress psychologique, entraînant des répercussions négatives à la fois dans le secteur public et privé, perturbant les processus de production. Donc, accorder une attention particulière à la santé mentale des employés est un investissement essentiel pour favoriser la productivité et la croissance économique. En effet, les problèmes de santé mentale nécessitent généralement des interventions médicales et thérapeutiques avant que la situation ne s’aggrave, ce qui rend le traitement plus difficile et long, affectant de manière négative la productivité au travail. Cela peut aussi conduire certaines institutions à se séparer de ces employés s’absentant fréquemment.

Faire face aux pressions économiques

Selon Dr. Adnan Al-Qadi, l’être humain fait face à de nombreuses pressions dans sa vie, incluant les pressions psychologiques, sociales, de santé, entre autres. Cependant, les pressions financières sont parmi les plus influentes sur l’individu et la société. Il y a de nombreuses stratégies et compétences que l’individu peut apprendre afin de gérer de manière positive et efficace les pressions financières, notamment l’apprentissage de nouvelles compétences adaptées aux exigences de l’époque, pour s’adapter à la réalité et vivre avec satisfaction de soi-même et de sa situation.

Il a ajouté qu’il est possible pour l’individu de renforcer son indépendance en s’appuyant sur lui-même pour subvenir à ses besoins, ce qui l’aide à réduire sa dépendance aux autres et à diminuer le sentiment de pression financière. L’individu peut également ouvrir de petits projets qui l’aideraient à avoir une source de revenu supplémentaire, contribuant ainsi à améliorer sa situation financière.

Dr. Al-Qadi explique qu’il y a de nombreuses stratégies pratiques que l’individu peut adopter pour gérer efficacement les pressions financières. Tout d’abord, il est essentiel d’éviter le gaspillage, qui est l’une des principales causes de ces pressions. L’individu doit s’efforcer de dépenser de manière raisonnée, en établissant un plan budgétaire détaillé au niveau quotidien, hebdomadaire et mensuel. Ensuite, il est important de ne pas se comparer aux autres sur le plan économique, car cela conduit à un sentiment de stress psychologique et financier. Chaque personne a ses propres conditions en matière de dépenses, de revenus et de satisfaction face à ce qu’elle possède. Enfin, il est crucial de saisir les opportunités qui se présentent pour améliorer sa situation financière de manière positive. L’essentiel est d’adopter une approche pragmatique et adaptée à sa situation personnelle pour faire face aux défis financiers, plutôt que de se laisser submerger par le stress et la comparaison.

Il a également souligné qu’il faut s’éloigner de la dépendance, que ce soit en empruntant de l’argent ou en comptant sur l’aide caritative. Cela ferait de l’individu une personne dépendante des autres, alors qu’il a en fait toutes les capacités personnelles pour améliorer sa situation économique de manière positive.

De son côté, Omar Ba Aboud, économiste, accentue la nécessité pour les individus de suivre des stratégies efficaces pour faire face aux pressions financières qui perturbent leurs calculs et les plongent dans des tensions psychologiques pouvant aller jusqu’à l’hospitalisation psychiatrique. Parmi ces approches, il met l’accent sur la planification financière, qui consiste à établir un budget détaillé pour organiser les dépenses. Cela aide à réduire le stress financier et améliore la rationalisation des dépenses.

Il a également souligné l’importance d’une planification budgétaire détaillée, en organisant le salaire mensuel sur les besoins essentiels et nécessaires. Cela contribue à améliorer la psychologie de la personne et l’aide à épargner.

Il a également ajouté : « Il y a de nombreuses façons de rationaliser les dépenses que la personne peut appliquer en fonction de son revenu mensuel, ce qui l’aide à se débarrasser des pressions financières et à améliorer ses capacités économiques. Malheureusement, il y a beaucoup de Yéménites qui gaspillent leur revenu mensuel sans conscience ni planification, ce qui a entraîné une détérioration du facteur psychologique. De même, le gaspillage excessif d’argent sur le (qat) a contribué à la dégradation de la situation économique, qui a affecté la situation psychologique ».

Défis et recommandations

Dr. Adnan Al-Qadi, a déclaré que les principaux défis liés à l’aspect psychologique sont la stigmatisation associée à l’aspect psychologique, ce qui amène de nombreuses personnes, malgré leur situation psychologique difficile, à refuser d’aller voir un psychiatre, par peur des critiques des gens ou d’être accusés de folie, aggravant ainsi leur état. En plus du manque de spécialistes en santé mentale et de médecins. Bien que le nombre de cas augmente avec la poursuite du conflit, il n’y a que 47 psychiatres au Yémen, ainsi qu’un manque de centres et d’hôpitaux psychiatriques spécialisés, et de centres contribuant à la formation aux compétences d’autonomisation, qui aident les individus à atténuer les pressions financières.

Mme. Tahani Al-Amoudi indique que les principaux défis dans ce domaine sont la peur de la personne et la reconnaissance des problèmes psychologiques qui l’empêchent de demander de l’aide, ainsi que l’insuffisance des services de santé mentale dans certaines régions yéménites et leur absence dans d’autres, ainsi que le manque de sensibilisation du public à l’importance de la santé mentale et à la bonne façon de la gérer.

En ce qui concerne les recommandations, elle explique qu’il est nécessaire de renforcer les campagnes de sensibilisation sur l’importance de la santé mentale, les moyens de la préserver et d’éviter ses aspects négatifs, d’augmenter les structures et les centres spécialisés dans la santé mentale, de soutenir les politiques encourageant la fourniture de services de santé mentale et de conseil psychologique au travail, tant dans le secteur public que privé, de mener des études et des recherches sur l’impact de la santé mentale sur la performance économique et la productivité, et de formuler des solutions et des propositions appropriées, et enfin, d’améliorer la situation financière des employés de manière à correspondre à la situation de vie et de mettre en place des plans garantissant le paiement régulier des salaires.

Finalement, la santé mentale au Yémen reste une question en constante évolution qui nécessite une grande attention, étant donné la détérioration rapide de la situation économique. La réalisation de la stabilité économique et l’amélioration des conditions de vie peuvent contribuer de manière significative à l’amélioration de la santé mentale des citoyens, ce qui profiterait à l’ensemble de la société et renforcerait sa capacité de relèvement et de redressement.

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